mardi 29 août 2006

Chapitre 9 : Humidité


A quelques centaines de mètres de la statue de la liberté, au coeur de la baie de New York, sous un soleil de plomb, alors qu'au loin le monde s'agite dans le labyrinthe vertical de Lower Manhattan, que le flot incessant des voitures traverse le pont de Verrazano de part en part et que les ferries de Staten Island transportent la foule habituelle des comuters et des touristes, une goutte d'eau s'éavapore délicatement. S'élevant dans les airs, désormais aussi légère que les nuages qu'elle rejoint, elle se dirige vers le grand large, et bientôt l'Empire State Building n'est plus qu'un point à l'horizon.
Commence la longue traversée. De longues semaines durant, rien d'autre que l'immensité océane à perte de vue. Mais soudain, dans le lointain, les linéaments de la terre apparaissent. Les fières côtes bretonnes se font plus précises, puis c'est la verdure des prés. Là-bas, ces deux flèches élancées, c'est la cathédrale de Chartres, et au loin, on entr'aperçoit le bout pointu de la tour Eiffel. Suivent les montagnes, le Jura tout d'abord puis les Alpes millénaires.
Tout à coup, notre goutelette perd pied. Le froid se fait plus rude, et la goutte s'est recondensée. Elle plonge désormais à vive allure au milieu d'autres qui, comme elle sont en train de choir au milieu des éclairs dans un bruit assourdissant de tonnerre. Profitant d'un éclat lumineux, la goutte en profite pour regarder ce sur quoi elle va tomber. Elle distingue vaguement un lac, puis une ville sur la côte, oui, c'est là qu'elle va s'écraser, le moment approche, elle prend sa respiration, c'en est bientôt fini...

Et vlan, une grosse goutte vient s'écraser sur mon crâne. Le pauvre journal Münchner Wochenblatt que j'avais dans mon sac et que j'avais pris avec moi juste avant de partir ne m'a même pas protégé cinq minutes sous l'orage. C'était pourtant le seul élément susceptible de me protéger de toutes mes affaires.
Que faire, sinon errer dans Langenargen sous la pluie dans l'espoir d'y trouver Louise, marcher sous la pluie en short et sandales, avec sur le dos deux tee shirts : celui que j'avais jusque là et mon tee shirt de pyjama, seule deuxième couche que j'avais pensé à emporter mis à part un tee shirt sec de rechange que je garde au cas où. Il n'y a évidemment plus personne, et la ville donne même l'impression que les maisons sont vides.
Je marche de cabine téléphonique en cabine téléphonique où je me sèche avec ma serviette de plage prévue initialement pour les longues après-midi baignade. Ces cabines grouillent d'araignées, on se croirait vraiment à Koh Lanta. J'aurais préféré l'île de la tentation...
Que faire ? Mais que faire ?
Tout espoir est évidemment perdu.
Je ne retrouverai pas Louise ce soir. Il faudra que je relance les recherches demain.
Oui mais comment ? Je n'en serai pas plus avancé demain. Il faudra que j'attende de très longues heures avant de voir le premier langenargois sortir de sa tannière et j'aurai beau le questionner, s'il ne connaît pas Louise, je ne serai pas plus avancé.
Je blêmis encore un peu plus, si c'est possible.
Il y a bien des hôtels le long du lac, mais tous sont fermés à cette heure là, il n'y a personne à la réception, et surtout ils ont l'air horriblement chers.
Après une courte réunion de crise avec mon cerveau, je décide de retourner vers la gare où je trouverai peut-être refuge. Elle est fermée mais il y a un banc abrité sur le quai. Je m'y installe, me recouvre les jambes de ma serviette, m'allonde et essaie de dormir.

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