mercredi 2 août 2006

Chapitre 8 : Am Telefon

Voici ce que j'avais en tête : le matin même j'avais eu sous les yeux le numéro de cette chère Louise. Je ne m'en souvenais certes pas, mais l'e-mail devait être sauvegardé sur un serveur quelconque, en 0 et en 1 qui n'attendaient plus qu'un preux chevalier ou un indiana jones quelconques pour être lus et dévoilés à la face du monde. Bref, au moment même de mes enquiquinements, il y avait stocké quelque part sur la planète le numéro dont j'avais besoin.
Je n'avais pas suffisamment suivi MacGyver pour savoir comment obtenir une connexion internet à partir d'un couteau suisse et d'un cintre (que je n'avais pas d'ailleurs) mais j'avais une idée : si je n'avais pas un accès direct à ma messagerie, je pouvais en avoir un indirect, et ce par la magie du téléphone ! En chemin j'avais remarqué une cabine téléphonique sur le bord du lac, au moment où il fallait tourner à gauche et je savais qui appeler pour aller lire mes mails pour moi.
Je dois avouer qu'à ce moment précis, j'étais plutôt fier de moi.

Dix minutes plus tard, après avoir fait le bout du trajet pénible à l'envers pratiquement tout le long dans l'obscurité je pénètre dans la cabine exigue et sale. Elle grouille d'araignées, on dirait une épreuve de Fort Boyard. Je me rends compte avec inquiétude que j'ai très peu de monnaie (dieu merci, les cabines allemandes fonctionnent encore par pièces). Il va falloir jouer serrer.
Comme c'est la soirée des erreurs, je fais de nouveau une bourde : le même qui a installé le plan de la ville à la sortie de la gare a mis dans la cabine un annuaire. Et dans l'annuaire il y a le numéro de l'institut. Et comme je suis stupide, je me dis que ça vaut peut-être le coup d'appeler, et évidemment je tombe sur un répondeur gaspillant de précieuses pièces de 20 centimes d'euros.
J'allais appeler mon frère pour lui demander d'aller chercher dans ma messagerie le numéro quand soudain, un voyant se met au rouge dans ma tête façon lancement d'Ariane5 retardé. Il y a comme qui dirait un petit problème : comme j'ai fait mon sac dans l'insouciance la plus totale, j'ai évidemment oublié de prendre un stylo. Et donc je n'ai pas de quoi noter le numéro. Et si je me trompe en le mémorisant, je peux être mal si je n'ai plus assez de monnaie pour rappeler.
Souci.
Réflexion.
Solution.
Ce n'est pas pour rien que j'ai reçu un diplôme d'ingénieur en juin dernier car ingénieux, je le suis. Si monsieur. Car après un bref inventaire de mes biens, j'ai trouvé la solution audacieuse qui consiste à graver avec ma clé dans la couverture de l'annuaire le numéro. J'ai fait des essais très concluants.
Paré à noter, enfin à graver, je me saisis donc du combiné et pianote le numéro de portable de mon frère. A cette heure là, il est sûrement devant son pc.
Il décroche, c'est parti, le compteur descend vite.
"Oui allo frérot c'est moi je t'explique vite la situation j'ai peu de monnaie je suis à langenargen en allemagne j'ai pas vu louise à la gare j'ai oublié de noter son numéro il est dans un mail que j'ai reçu ce matin peux-tu aller sur mon webmail voici mon login et mon mot de passe l'un des tous derniers mails de Louise, avec un L comme Luisa merci beaucoup de faire vite je suis prêt à graver"
Le tout à un débit façon Julien Lepers.
Et là, j'avais la preuve que Dieu existait, qu'il était facétieux, et que ce soir là il m'avait choisi pour rigoler :
"Ah là ça va pas être possible. Je suis au camping à Palavas les Flots, je n'ai pas internet."
Un coup pour rien. De précieuses pièces de perdues.
Fébrilement, je compte le reste de ma monnaie. Je n'ai plus droit qu'à un essai. Après, c'est fini.
J'appelle le domicile familial et tombe sur mon père. J'explique la situation, rapidement mais en essayant de ne pas dramatiser. Je donne les instructions et, voyant le compteur très bas, telle l'équipe de Fort Boyard criant "sors ! sors !" lorsque la clepsydre est presque vide, je lui dis que ça va bientôt couper, mais qu'il me rappelle quand il aura l'info au numéro au numéro de la cabine qui était noté que je lui dicte en précisant bien le préfixe et tout et tou.
Ca coupe.
A ce moment là, j'ai vécu ce que ressent un astronaute qui vient de passer derrière la face cachée de la lune. Je ne peux rien faire sinon attendre, en espérant qu'à quelques centaines de kilomètres de là tout se goupille bien.
J'attends donc. Ca commence à faire long. Ca commence à faire vraiment long.
Je me fixe une heure : si une demi heure après mon coup de fil, je n'ai toujours pas de réponse, c'est que c'est râpé.
L'heure fatidique approche. Je me prépare à l'idée d'une nuit sur la plage à la belle étoile. L'espoir faiblit. La flamme vacille.
Ca y est, c'est fini. J'ai grillé ma dernière cartouche. Après tout, dormir dans la nuit d'été, c'est pas si terrible...

C'est à ce moment là que l'orage a éclaté.

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